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Ariège terre de trail


Publiée le par bruno berret

Ariège terre de trail

Juste pour le plaisir

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En m’installant en Ariège je n’avais pas particulièrement l’idée de repartir sur un « 100 miles », préférant rester sur les super souvenirs de ma diagonale des fous 2023. Plus rien à me prouver, pas de classement à briguer, et la montagne à disposition toute l’année pour crapahuter sans pression au gré de mes envies.

Mais voilà, l’ultra-trail, c’est un peu comme les pâtisseries. J’ai beau me dire qu’il faut que j’arrête les « Paris – Brest », il suffit que je passe devant un bon pâtissier… Bref, quand tu habites à Perles et Castelet et que tu apprends qu’un magnifique Ultra passe juste au-dessus de la maison…

Bon, et puis, c’est vrai qu’il me tente aussi de tester, pour une fois, une vraie préparation sur un terrain parfaitement adapté, juste histoire de voir la différence entre un entrainement citadin et un entrainement montagnard. En effet, jusqu’à présent pour mes trois « 100 miles » précédents, la quasi-totalité de mes préparations se passaient dans le plat pays de l’ile de France ponctuées de quelques escapades dans les massifs alpins ou pyrénéens. Là cette fois ci ça sera du 100% montagne et 100% Ariège. Et l’entrainement croisé bien évidemment.

L’hiver : les fondations

Est-il encore utile de rabâcher que la course à pied est traumatisante, que les périodes de récupération et de régénération sont indispensables à la bonne pratique du trail ou des épreuves d’endurance ? Non bien sûr, alors cet hiver 2024/2025 ça sera le plateau de Beille à gogo pour le ski de fond, le vtt, le vélo de route et très peu de course à pied. 100km de course à pied en trois mois de décembre à fin février, autant dire rien du tout. En revanche 900km de ski de fond avec essentiellement du dénivelé. Oui, il faut savoir que le plateau de Beille n’est pas vraiment très plat en fait ! Tout ce travail sur les sports « portés » sont, en plus de l’aspect ludique, d’une indéniable efficacité pour acquérir un bon foncier, un cardio au top et une bonne régénération des tendons et fibres musculaires.

Mars et avril, reprise progressive du trail

Allez début mars il est temps de se remettre à courir. Alors attention, toujours progressivement car si les sports hivernaux m’ont déjà forgé une bonne condition physique, je sais que les muscles, tendons et articulations ne sont pas sollicités de la même façon. Pour le reste, ma manière de m’entrainer sera plutôt basique. Sachant que l’Ultrariège est une course orientée D+ (170km, 10500D+/D-), mon but est d’être capable de digérer de plus en plus de dénivelé, et ce toujours progressivement. Pour cela je divise la préparation en blocs d’environ deux mois avec pour objectif un certain cumul de D+. Pour mars et avril l’objectif est d’assimiler des semaines aux alentours de 1800D+ pour la course à pied et 3000D+ tous sports confondus. Objectif tenu pour ce bloc mars / avril : 14355m D+ trail et 27080m D+ avec le vélo. Sans oublier une semaine « light » toutes les quatre semaines.  Sur cette période je place aussi quelques trails courts pour garder un peu d’explosivité avant le bloc purement endurance. Deux trails bien boueux, La Gajanaise (26km / 971D+) et le Trail des citadelles ou j’effectue le dernier relais d’une course par équipe avec trois traileuses du VO2max Tarascon (26km / 1185D+). Je case également quelques séances de fractionné au stade avec le club le mardi soir.   

Mai, juin : l’entrainement spécifique Ultra

Si les périodes précédentes peuvent être considérées comme de l’échauffement c’est bien maintenant que l’on rentre dans l’entrainement spécifique. Jusqu’à présent je cumulais autant de dénivelé à vélo qu’en course à pied, il faut maintenant accentuer la partie trail. En mai, je cumule en trail, 15351m de D+ avec une semaine à 5516m, pour un total de 19395 m en comptant le vélo.

En juin, je passe à 27067m de D+ en trail avec une semaine à 7300 m pour un total de 33106m avec le vélo.

Début juillet c’est l’affûtage et je réduis donc le volume de moitié avec des semaines trail aux alentours de 3000 m de D+. Faire du jus en restant actif, il faut trouver le bon compromis pour viser un pic de forme le jour J.

Bien évidemment, toutes mes sorties sont réalisées en montagne, et si possible sous la chaleur pour habituer ma vieille carcasse aux conditions que je risque de rencontrer sur l’épreuve ariègeoise. Mes plus longues virées ne dépassent pas les 12h consécutives et je place une seule course de préparation, l’ultra Lozère avec les copains du So Houilles.  110km 6000D+ en deux étapes. Toutes ces sorties sont bien sur réalisées à allure ultra donc en mode économie d’énergie.

                                    Guzet neige, vendredi 18 juillet, 9h.

C’est plutôt décontracté que j’aborde maintenant ces 170km à parcourir. Je sais que j’ai fait l’entrainement qui me convient, et qu’il ne me reste plus qu’à jouer la partie.

Un petit paramètre en plus à gérer que je n’avais pas eu sur mes «100 miles » précédents : les barrières horaires. A regarder le profil, les temps de passages imposés au Port de Lers et à Gourbit ne me semblent pas si simples que ça, surtout avec la chaleur annoncée. J’aime partir lentement et prendre le temps de me rafraichir dès que c’est possible, quitte à perdre un temps précieux. Mais tant pis on verra bien mais pas question de déroger à la règle. Je crois qu’entre le départ et Gourbit (48km) il n’y a pas un seul ruisseau où je n’ai pas trempé la tête et la casquette. Dès le départ à 9h il fait déjà très chaud. Il ne me faut que quelques kilomètres avant d’être entièrement trempé de sueur.  Heureusement à chaque ravitaillement, Edith, ma suiveuse de choc est là pour me fournir tee-shirts secs et autres douces attentions. Cette première journée est pour moi celle où tout se gagne. Passer le Pic des Trois seigneurs sous le cagnard ce n’est pas une mince affaire. C’est la partie la plus technique de la course, il ne va pas falloir s’énerver.

Je passe finalement au Port de Lers (30km) à 15h24 pour une barrière fixée à 16h00 puis à Gourbit (48 km) à 20h25 pour une barrière à 22h. Là, je sais que si je prends encore de l’avance sur les horaires à Mercus (68km) ça sera gagné. Eh oui, l’avantage d’être vieux c’est l’expérience. On connait ses capacités, on a déjà testé plein de choses.  On a au moins ça pour nous ! Jusqu’à Mercus c’est une partie roulante de l’ultrariege, et c’est le bon moment que choisit Steeve, un copain du club des VO2max de Tarascon, pour m’accompagner quelques kilomètres. Finalement nous ferons 21km ensemble, en nocturne, ce qui sera une première pour lui. Toujours un énorme avantage que ces moments où l’on est accompagné. On discute, et les kilomètres défilent. Valou, une autre traileuse des VO2max, vient même nous faire un p’tit coucou lorsqu’on passe près de chez elle. 0h33 on arrive à Mercus. J’ai trois heures et demie d’avance sur la barrière, pour moi, plus de doute j’irai au bout. C’est indéfinissable ce sentiment d’être sûr d’aller au bout, sauf chute ou incident de course. Il me reste pourtant 100 bornes, le Mont Fourcat, le St Barth et Scaramus ; pourtant je n’ai aucun doute… A chaque ultra en fait, j’ai cette certitude de plus en plus tôt. A Trient sur l’UTMB, à Roche plate sur la diag et cette fois ci à Mercus. Je ne sais pas trop pourquoi mais c’est comme ça. L’expérience je suppose, le ressenti, et surtout ce mode endurance où les jambes ne semble pas souffrir. Il ne reste qu’à gérer l’alimentation, l’hydratation, le sommeil, et vivre chaque instant avec plaisir. Bien sûr, je sais qu’il y aura des coups de moins bien, des moments difficiles où le sommeil tentera de m’envoyer dans le fossé ; mais globalement ce n’est que du plaisir à avancer, vaincre chaque obstacle rejoindre le ravitaillement suivant, et profiter de deux nuits en montagne.

Le Mont Fourcat sous l’orage.

Si la première journée avait été caniculaire, la première nuit est plutôt douce et agréable. Mais voilà, le lever du soleil sur le mont Fourcat je ne le verrai jamais. C’est au sortir de la partie boisée pour aborder l’ascension finale que je me retrouve au milieu de l’orage. Le pire moment, en zone complètement dégagée. Ça pète dans tous les coins, les éclairs strient le ciel dans tous les sens.  Un vrai 14 juillet. Nous sommes deux à avoir le même reflexe. Moins d’une seconde entre l’éclair et le tonnerre, faut s’arrêter. On laisse nos bâtons à terre, on s’éloigne un peu et l’on se met en boule. Le spectacle est fantastique mais on n’en mène pas large. Je ne sais pas combien de minutes nous restons ainsi mais l’orage finit par s’éloigner sur d’autres crêtes. Nous reprenons notre montée de ce célèbre sommet Ariègeois et il en sera terminé des orages jusqu’à l’arrivée.

Et le sommeil me direz-vous ?

Jusqu’à Moulzoune , on ne peut pas dire que j’ai souffert du manque de sommeil. Si d’habitude c’est au petit matin que le besoin de dormir se fait le plus sentir, cette fois ci avec l’adrénaline sous l’orage, je n’ai pas ressenti le besoin de m’allonger.  C’est donc un peu plus tard dans la montée du St Barth que le coup de mou va arriver. Je m’étends deux fois 10 minutes pendant cette longue ascension. Mais l’herbe est humide et je ne trouve pas d’endroit confortable. Ces deux essais sont un échec et je repars à chaque fois sans avoir pu dormir. Passé le sommet après une progression poussive, la fatigue disparait. Surement l’excitation d’arriver aux Monts d’Olmes et de retrouver Edith toujours présente au poste. Le temps est humide, il bruine légèrement mais c’est parfait comparé à la fournaise de la journée précédente. Après quelques bols de soupe et m’être changé, je préfère repartir, l’envie de dormir n’est pas assez forte. Et puis il y a trop de bruit sur cette base de vie, avec les coureurs du 100km qui nous rattrapent. Je demande à Edith de garer sa voiture à Appy, au prochain ravito, en me disant que se sera plus facile pour dormir. Je grimpe plutôt bien le raidard qui suit et descends sans forcer jusqu’au petit village accroché sur le massif des montagnes de Tabes . Là, je change d’avis, je ne me sens pas dormir. Edith râle, car elle s’était garée à un endroit calme pas très loin du ravito. Bon, elle a l’habitude des ordres et contre-ordres ! Partie remise et c’est finalement à Caussou que je choisis d’essayer de roupiller. J’arrive sur mes parcours d’entrainement, et je connais bien le KV de Scaramus. Droit dans la pente, les virages ça ne sert à rien, voyons ! 15 minutes allongé dans la Clio, je ne dors pas mais ça fait du bien au cerveau. Je fais une belle montée, laissant même sur place quelques coureurs du 100km qui m’avaient doublé dans la descente. Je bascule jusqu’au col de Marmare, sans difficulté. S’en suit un peu de plat jusqu’à Prades (144km) où j’arrive à 02h21 du matin, le dimanche… Je regarde enfin la montre car je n’ai aucune idée de l’heure. Wahoo, je suis bien trop en avance par rapport à mes prévisions. Pour donner une vague idée de mes temps de passage à Edith, je lui avais imprimé les temps de passage du coureur qui avait terminé dernier en 2024 et du premier et seul M5 finisher cette même année. De plus j’ai promis à Edith de ne pas passer la ligne d’arrivée en dormant comme ça avait été le cas sur la diagonale des fous. Je prends donc tout mon temps, je discute avec les bénévoles, je mange et finis même par aller me coucher sur un lit de camp mis à disposition. Je m’endors direct d’un sommeil profond d’où me sort en sursaut le bénévole chargé des réveils. J’aurais pu probablement arriver à Ax deux heures plus tôt, mais je n’ai pas envie de me faire mal pour quelques places au classement. Par ailleurs, l’idée de sortir du lit ma dulcinée aux aurores ne m’a pas en enthousiasmé. Je connais trop son humeur à ces heures matinales pour ne pas lui autoriser un peu plus de sommeil, surtout après deux jours passés à me ravitailler !!

Je repars de Prades avec un coureur du 100km et nous irons jusqu’à l’arrivée ensemble non sans faire un dernier arrêt au col du Chioula pour s’enfiler un café chaud devant le soleil levant. La dernière descente n’a rien à voir avec celle du Colorado de 2023. Déjà j’y vois clair, il fait jour, donc pas de descente mode Gilbert Montagné.  D’ailleurs j’ai progressé depuis la diagonale, j’avais une vraie lampe frontale, et ça change tout ! A quelques kilomètres de l’arrivée, je passe tout près de la maison. Limite j’aurais pu prendre Edith au passage. Ma montre s’arrête à 3km de l’arrivée, elle affichait alors 172km et 11100 m de dénivelé positif.  C’est vrai j’avais oublié de dire que je m’étais égaré quelques kilomètres après le ravito de Moulzoune. Quelques cotes en plus, mais quand on aime, on ne compte pas !!

Je sonne la cloche sur l’arche d’arrivée, ou évidemment m’attend Edith, fraiche et dispose, cela va sans dire… Il est 8h40, et cette petite virée aura duré un peu plus de 47h

Un beau dernier 170

Finir par un ultra dans ces Pyrénées que j’ai tant arpentées, j’aurais eu tort de m’en priver. Le parcours était varié et exigeant. Comme l’année passée peu ont terminé l’épreuve : 68 classés pour 92 abandons et un hors délais. Mais j’ai pris un plaisir immense dans l’effort, je ne me suis pas lassé des paysages que je connaissais pourtant. J’ai profité une dernière fois de cette ambiance unique des ultra trails et surtout j’ai pu me rendre compte de l’avantage que c’était de pouvoir s’entrainer toute l’année en montagne.  Il n’y pas photo, c’est un gros avantage d’avoir un terrain de jeu comme la haute Ariège.

Maintenant terminé les longues courses avec deux nuits dehors, on va rester sur des formats plus courts et faire plus de vélo ou de ski.  Place aux jeunes !

 

 

 

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